Contribution aux charges du mariage : l’importance de la rédaction sur-mesure du contrat de mariage

Juridiquement, lorsque l’on se marie, on s’oblige à un certain nombre d’obligations de couple. D’un point de vue patrimonial, on note l’obligation de contribution aux charges du mariage.

Ce terme assez technique recouvre une réalité d’une importance cruciale au moment du divorce.

Les charges du mariage, qu’est-ce que c’est ?

Les charges du mariage correspondent aux dépenses qui sont liées au train de vie du couple ou de la famille. Elles sont entendues dans un sens très large. Il s’agit notamment des dépenses pour se loger, pour se nourrir, pour se vêtir, pour se déplacer, pour se soigner, pour s’occuper des enfants…

Mais encore, les charges du mariage incluent les dépenses d’investissement pour acheter la résidence principale ou encore la résidence secondaire. Elle intègrent jusqu’aux frais de loisir du ménage.

La Cour de Cassation a tout de même consacré deux limites importantes en matière d’investissement immobilier :

  • Si l’investissement est purement locatif, alors la dépense effectuée pour son achat n’intègre pas les charges du mariage ;
  • Si la dépense provient d’un apport en capital personnel de l’un des époux, cet apport n’entre pas dans le champ de la contribution aux charges du mariage. Cela s’applique quelle que soit la destination du bien (résidence principale, secondaire ou locative).

Quelle est la règle de répartition des charges du mariage entre les époux ?

En principe, les charges du mariage sont réparties entre les époux à hauteur de leurs facultés respectives (article 214 alinéa 1 du Code Civil).

Les facultés de chacun dépendent de leurs ressources pécuniaires et de leurs revenus. Le juge les apprécie au moment d’une remise en cause (en cas de séparation du couple en pratique).

Par exception, les époux peuvent décider entre eux d’une répartition différente des charges du mariage. Mais cela ne doit pas dispenser totalement l’un des époux de sa contribution. On prévoit usuellement les clauses dérogatoires par contrat de mariage.

Les problèmes récurrents liés aux proportions et moyens de financement de la résidence principale par les époux séparés de biens

En pratique, il arrive fréquemment que des époux ayant signé un contrat de séparation de biens financent de manière déséquilibrée l’acquisition du logement familial dont les deux époux sont propriétaires à 50/50.

Dans ce cadre, l’époux qui a financé plus que l’autre peut vouloir réclamer une créance contre son conjoint au moment du divorce.

Or la réponse du juge à cette requête peut être radicalement différente selon la rédaction du contrat de mariage et la place laissée à l’interprétation.

Quelques exemples de scenarii possibles

A la lecture des dernières jurisprudences en la matière, on peut imaginer les hypothèses suivantes :

Financement réalisé au moyen d’un prêt

Dans ce cadre, on considère les dépenses liées à l’emprunt de principe comme des charges du mariage. Chacun des époux devrait donc rembourser l’emprunt à hauteur de ses facultés respectives.

Très fréquemment, la clause du contrat de séparation de biens liés aux contributions aux charge du mariage présume que les époux ont fourni chacun leur part contributive. En conséquence, on ne fait aucun compte entre eux au moment du divorce à cet égard.

La sur-contribution de l’un des époux par remboursement du prêt entrerait alors dans ce cadre. Elle ne pourrait pas en principe donner lieu à une quelconque créance. En effet, chaque conjoint est présumé avoir participé à hauteur de ses facultés.

Dans ce contexte, les juges s’interrogeront pour identifier si la preuve contraire peut être apportée, ou si la présomption ne peut être renversée. Dans ce dernier cas, l’époux ne pourra réclamer aucune créance quelles que soient les preuves avancées.

Pour éviter l’aléa lié à cette appréciation du juge, on recommandera vivement de clarifier la clause du contrat. Il s’agira d’indiquer clairement si la présomption est simple ou irréfragable.

Financement réalisé au moyen d’un apport en capital personnel d’un des époux

Comme indiqué précédemment, une récente jurisprudence a confirmé l’exclusion de ces dépenses des charges du mariage. En conséquence, l’époux qui a généré une créance au profit de l’autre du fait de cet investissement personnel pourrait en principe lui réclamer.

Là encore, votre contrat de mariage peut prévoir de nombreuses variantes. Il peut par exemple élargir la notion de charges du mariage à l’apport en capital personnel de chaque époux dans le cadre d’une acquisition. Puis, on peut convenir d’une présomption de participation par chaque époux à hauteur de ses facultés respectives.
Cela éviterait alors les comptes entre les époux, peu importe les moyens de financement de l’achat (par un prêt ou par un apport en capital).

A l’inverse, on peut prévoir une reddition des comptes quasi-automatique dans le contrat de mariage. Dans ce cadre, on pourrait exclure de la présomption de contribution à hauteur de ses facultés tous les investissements immobiliers. Cela peut être très large et par exemple comprendre ceux relatifs au logement de la famille. Le calcul de la créance en cas de disproportion de la contribution aux charges du mariage deviendrait le principe.

En conclusion

On ne saurait trop répéter qu’en matière de régime matrimonial et de contrat de mariage, le sur-mesure est nécessaire. Les époux doivent peser avec leur notaire la portée de chaque clause, pour être en phase avec leur volonté de couple et prévenir les conflits ultérieurs. Sans les clauses adéquates intégrées au contrat de mariage, on s’en remettra aux aléas des décisions judiciaires. Or, la jurisprudence en la matière évolue beaucoup et parfois même de manière contradictoire…

Pour David Notaires – Aix en Provence, Elodie Letouche

Elodie Letouche droit international