Droit de partage et divorce amiable : ne crions pas victoire trop vite !

Notre analyse de la réponse ministérielle « Descoeur » du 1er septembre 2020 est ainsi différente de celle de grand nombre de juristes.

Pas de droit de partage en cas de partage verbal

Selon les dispositions de l’article 746 du Code Général des Impôts, il n’y a pas de droit de partage dû en cas de partage verbal. Nous le savions déjà.

Cependant, il est important de s’attarder sur la dernière ligne de cette réponse, bien trop souvent passée sous silence :

« Il est également précisé que le produit de la vente doit, même en l’absence de partage, être inclus dans l’état liquidatif du régime matrimonial annexé à la convention, ce dernier devant comprendre l’ensemble des biens communs ou indivis du couple ».

Certes, d’un point de vue fiscal, on subordonne l’exigibilité du droit de partage à l’existence d’un acte de partage. Mais il convient alors de s’interroger sur la notion de « partage » d’un point de vue civil.

Il semble alors important d’établir un rappel fondamental au vu des dérives de l’interprétation de cette nouvelle réponse ministérielle : le prix de vente d’un bien commun constitue un bien commun.

Non, il n’y a pas de partage pendant le mariage en communauté

Envisageons une répartition entre les époux, pendant le régime, afin de placer le prix sur deux comptes ouverts au seul nom de chacun d’eux. Cela n’a aucune incidence.

Il s’agit là d’un principe fondamental du droit des régimes matrimoniaux. Dans cette hypothèse le partage ne s’opère nullement. En effet, le principe d’ordre public de l’immutabilité rend impossible le partage d’un tel prix pendant la vie du régime.

Tant que la communauté n’est pas dissoute, les sommes conservent une nature commune. Cela est vrai même si ces sommes sont placées sur des comptes personnels différents.

L’erreur saute aux yeux : le partage du prix de vente d’un bien commun, écrit ou verbal, est strictement impossible avant la dissolution de la communauté !

Prononcé du divorce et droit de partage

C’est uniquement après le prononcé du divorce, que naîtra le temps de l’indivision post-communautaire.

Ainsi, lors de la dissolution de la communauté et des opérations de liquidation-partage, on réintégrera obligatoirement à l’actif de communauté le prix de vente du bien commun. Ce dernier constitue lui-même un bien commun, quelle que soit la nature des comptes sur lesquels il se trouve. La répartition entre les comptes des futurs ex-époux ne change rien.

Le droit de partage s’appliquera théoriquement au partage des liquidités. Ce partage aura lieu par acte authentique annexé à la convention de divorce sous seing privé contresigné par acte d’avocat, ou directement dans la convention de divorce elle-même.

En conséquence, il est essentiel, selon nous, de lire cette réponse ministérielle, en conservant à l’esprit les principes d’ordre public du droit des régimes matrimoniaux, notamment du régime de communauté.

Dans le cas d’époux mariés sous un régime de communauté et non divorcés au jour de la vente de l’immeuble, le partage du prix n’est pas juridiquement possible. Il reste commun et le droit de partage s’appliquera donc au jour des opérations de liquidation-partage du régime matrimonial.

Seul le prononcé du divorce entraine la dissolution de la communauté

En résumé, seul le prononcé du divorce entraine la dissolution de la communauté puis éventuellement son partage. Cela découle du principe de l’immutabilité des régimes matrimoniaux.

Un partage, qu’il soit verbal ou écrit, pendant la vie du régime de communauté est donc civilement impossible.

Etant civilement impossible, il n’y a donc pas lieu selon nous d’analyser ses conséquences fiscales.

En revanche, cela ne signifie pas pour autant qu’il ne faut pas s’attarder sur cette réponse ministérielle. On peut en avoir une une lecture intelligente en pratique. Elle est utile y compris pour les époux communs en biens. Pour ces derniers, la fin du régime par le prononcé du divorce fait naître le temps de l’indivision post-communautaire.

Une solution pour les partages d’indivisions post-communautaires

Il existe ainsi des solutions sécurisées que l’on met à disposition de nos clients. On citera notamment la régularisation d’une convention d’indivision.

Cette tolérance de l’administration fiscale ne s’applique donc qu’en présence d’un partage du prix de vente d’un bien indivis. Elle pourra ainsi s’appliquer postérieurement à la dissolution du régime. C’est ce que nous proposons désormais à nos clients. C’est ainsi que nous respectons tant les principes du droit civil, que du droit fiscal.

Pauline CEZANNE, Notaire

Pauline CEZANNE David Notaires