Associer son enfant mineur dans une SCI familiale : enjeux et conséquences

« Nous avons prévu d’acheter un bien immobilier par le biais d’une SCI avec nos enfants mineurs.

Qu’en pensez-vous ? »

Sur le principe, rien n’empêche des mineurs d’être associés d’une société civile immobilière (SCI).

Cependant, il faut s’interroger sur la finalité de la SCI et sa gestion en pratique en présence d’enfants mineurs.

La SCI, à quoi ça sert ?

La SCI peut être un outil efficace de transmission et de gestion de patrimoine.
Elle permet par exemple d’éviter l’indivision successorale entre les enfants aux décès des parents. Elle peut aussi faciliter la prise de décision à la majorité, ou encore organiser une gestion plus fluide grâce à la désignation d’un gérant.

Une SCI peut également permettre d’optimiser la fiscalité d’une transmission parents-enfants.
En effet, la transmission des parts de la SCI se fait à leur valeur nette. Si cette dernière est nulle ou négative, à la valeur du capital. La donation peut intervenir en pleine-propriété. Mais il y aura un plus grand intérêt en termes d’optimisation de l’effectuer en nue-propriété.

Notamment, lorsqu’il s’agit d’un investissement locatif, les enfants ayant bénéficié de la transmission des parts de la SCI verront le capital transmis augmenter automatiquement au fur et à mesure du remboursement de l’emprunt par les loyers. Ils profiteront également de la probable croissance de la valeur même du bien immobilier détenu par la SCI, le tout sans fiscalité supplémentaire au moment du décès.
Toutefois, l’objectif fiscal ne doit pas être le seul but recherché. En effet, le fait que le motif principal de l’opération soit de diminuer l’impôt pourrait caractériser un abus de droit fiscal.

En revanche, s’il s’agit par exemple d’une SCI détenant votre résidence principale ou secondaire, la donation des parts de la SCI est beaucoup moins utile fiscalement. De fait, les comptes courants d’associés, c’est-à-dire l’ensemble de la dette due par la société à ses associés qui auraient avancé des charges et frais divers, subiraient alors une fiscalité au moment du décès.

Dans tous les cas, sur le plan administratif, il faut retenir qu’une SCI devra remplir certaines formalités, comptables, déclaratives et d’assemblée. A défaut, elle pourrait être considérée comme fictive et perdre toute son utilité.

Quelle est la procédure pour associer un mineur dans une SCI ?

Pour qu’un mineur devienne associé d’une SCI, il faut qu’il effectue un apport à la société.

Si l’apport est numéraire (sommes d’argent), la loi n’impose pas de demander une autorisation au juge des tutelles. L’accord des deux parents suffira alors.

Mais l’enfant qui devient associé d’une SCI est responsable indéfiniment des dettes sociales à proportion de ses parts dans le capital social. On peut donc conseiller dans ce cadre d’obtenir l’autorisation du juge des tutelles. Ce dernier appréciera au cas par cas les risques encourus.

En outre, dès lors que le mineur apporte un immeuble à la SCI (reçu par exemple par donation ou par succession), il faudra impérativement obtenir l’autorisation du juge des tutelles.

Et par donation ?

Vos enfants mineurs pourraient également, comme évoqué plus haut, devenir associés de la SCI par donation.

Tout d’abord, si un prêt a été souscrit pour l’acquisition des parts que vous souhaitez donner, l’accord de la banque sera sans doute nécessaire car il s’agit généralement d’une cause d’exigibilité anticipée du prêt. 

Par ailleurs, si la SCI finance l’acquisition du bien immobilier par un emprunt, pour éviter des difficultés au moment de la recherche du financement (voir précisions au paragraphe suivant), Il peut être plus opportun de réaliser la donation à la suite de l’acquisition et de l’emprunt, et non en amont. A minima, il faudrait interroger la banque afin de décider de la chronologie à suivre.

En tout état de cause et en l’état actuel de la jurisprudence, la donation des parts de SCI s’interprète comme une donation sans charge. Par conséquent, elle ne requiert pas d’accord du juge des tutelles. Cela vaut quand bien même la SCI est débitrice d’un emprunt, ou d’un passif auprès des associés.

La SCI pourra-t-elle souscrire un emprunt ?

Une SCI peut souscrire un emprunt bancaire même si un des associés est mineur.
Toutefois, un cautionnement par l’associé mineur n’est pas envisageable sans autorisation du juge des tutelles.
Et la Banque a un devoir de protection des intérêts des mineurs.

Les établissements prêteurs pourraient donc être moins enclin à consentir un crédit à une SCI dont certains associés sont mineurs.
Ils pourraient exiger l’autorisation du juge des tutelles pour les cas où le montant du prêt et/ou la part des mineurs au capital social sont très importants.

Il est par conséquent avisé, pour protéger le mineur des créanciers :

  • d’une part, de prévoir entre les associés des clauses statutaires limitant sa responsabilité. Votre notaire vous accompagnera dans la rédaction ou la modification des statuts.
  • et, d’autre part, d’obtenir de la banque une renonciation au droit de poursuite des mineurs. En pratique, cette renonciation peut parfois être très difficile à obtenir.

La SCI pourra-t-elle vendre l’immeuble ?

Il est important dans cette hypothèse de vérifier la rédaction des statuts et les pouvoirs du gérant.

En cas de vente, les parents pourront probablement représenter l’associé mineur sans autorisation du juge des tutelles. Cela est soumis à la condition indispensable de conserver le prix de vente au sein de la SCI et de le réinvestir.

A l’inverse, si le prix de vente est distribué aux associés, ce qui est courant en pratique, l’autorisation du juge des tutelles sera nécessaire.

En pratique, il faudra s’assurer qu’il n’y a pas d’opposition d’intérêts entre les parents et les enfants. À défaut, il est vivement recommandé de solliciter la nomination d’un administrateur ad hoc par le juge des tutelles. C’est l’administrateur qui prendra les décisions pour le compte et dans l’intérêt du mineur.

En conclusion

Constituer une SCI avec des mineurs ou leur donner postérieurement des parts de cette SCI est un outil de transmission à étudier au cas par cas.

Vous devrez prendre en compte la gestion souhaitée, l’objectif de transmission recherché, l’objet même de la SCI, les procédures administratives y afférentes et la nécessité probable de recourir au juge des tutelles pour les actes importants de la société. Le juge des tutelles vérifie que chaque décision est prise en conformité avec l’intérêt de l’enfant. Il n’autorisera pas d’actes représentant un risque pour le patrimoine du mineur.

Nous vous invitons à contacter votre notaire pour effectuer cette étude de pertinence de la SCI dans votre situation particulière.

Pour David Notaires – Aix en Provence, Elodie Letouche et Pauline Cezanne

Elodie Letouche droit international
Pauline CEZANNE David Notaires