“FAIS-MOI PEUR” : ACHETER UN IMMEUBLE EDIFIE SANS PERMIS DE CONSTRUIRE

« Nous avons trouvé la maison de nos rêves ! C’est une villa de plain-pied de 160 m2. A l’origine, c’était une petite bicoque de 50 m2 que les précédents propriétaires ont agrandi et rénové. On pense améliorer encore en ajoutant un pool house et une piscine. Le permis de construire obtenu par les vendeurs pour l’agrandissement ne fait état que de 50 m2 supplémentaires, mais l’agent nous a dit que comme c’était il y a plus de dix ans, il n’y avait aucun souci à se faire !»

ATTENTION ! Il y a beaucoup d’approximations dans le témoignage ci-dessus, qui peuvent induire les acquéreurs en erreur.

En ce weekend d’Halloween, nous vous invitons à comprendre pourquoi cet achat pourrait se transformer en histoire d’horreur… et comment votre notaire peut vous aider à éviter ce scénario !

La garantie décennale des constructions

Tout d’abord, le délai de 10 ans est en effet à prendre en compte, mais il n’est pas le seul si l’on se réfère au permis de construire.

Ce délai de 10 ans en revanche a un impact sur la garantie décennale des constructions. Cette garantie est due par les vendeurs ou le constructeur pendant 10 ans à compter de la réception des travaux. Elle concerne les désordres qui affectent la solidité de l’ouvrage (ou de ses éléments principaux) et/ou le rendent inhabitable.

Ici, il n’y a donc plus de garantie des constructions.

Les étapes pour valider la régularité de votre construction

Ensuite, rappelons le processus exemplaire en matière de permis de construire :

(1) Obtention du permis de construire

(2) Dépôt de la Déclaration Attestant de l’Achèvement et de la Conformité des Travaux (DAACT)

(3) Obtention de l’attestation non-opposition à DAACT qui valide la conformité

C’est seulement une fois ces trois étapes accomplies que votre construction est validée de manière administrative.

Dans l’énoncé ci-dessus, pas de DAACT, donc pas de conformité…

Enfin, une précision d’importance : il ne s’agit pas d’obtenir un permis de construire à tout prix, mais d’obtenir un permis de construire qui autorise spécifiquement les travaux envisagés.

Dans le cas concret, les vendeurs ont obtenu un permis pour une extension de 50m2… mais en ont réalisé 110 m2 en réalité !

Que se passera-t-il si les acquéreurs achètent en l’état ?

S’ils décident d’acheter en l’état, ils doivent être conscients des risques suivants :

Sanctions pénales

Tout d’abord, le délai de prescription pénale est de six ans à compter de l’achèvement des travaux. Ainsi, ils devraient donc être protégés de ces sanctions pénales. Mais, comme aucune déclaration d’achèvement n’a été déposée, il leur reviendra de prouver la date d’achèvement de l’agrandissement.

A titre informatif, il peut s’agir d’une amende comprise entre 1 200 euros et 6 000 euros par mètre carré de surface construite illégalement. A l’amende peut s’ajouter, en cas de récidive, une peine de six mois d’emprisonnement.

Sanctions civiles

Par ailleurs, des voisins ou autres tiers peuvent intenter une action en justice en cas de préjudice. Les tiers peuvent agir pendant 5 ans à compter de la découverte des faits (si l’achèvement est postérieur au 18 juin 2008). La condamnation peut prévoir jusqu’à la démolition aux frais du propriétaire.

Ensuite, la commune peut également saisir la justice pour demander la démolition ou la mise en conformité de l’agrandissement. Cette action n’est possible que pendant 10 ans à compter de l’achèvement des travaux. Mais là encore, il reviendra aux acquéreurs de prouver la date d’achèvement.

Sanctions administratives

Enfin, les acheteurs doivent connaître les sanctions administratives. Celles-ci restent applicables sans limite dans le temps :

Ils devront régulariser la situation avant toute demande de nouveaux permis (Cependant, si l’achèvement date de plus de 10 ans, on ne peut fonder le refus d’autorisation sur l’irrégularité de la construction initiale sauf s’il y a un danger, ou si elle se trouve dans un site classé ou un parc naturel).

Les constructions édifiées « hors » du permis de construire ne peuvent, en principe, pas bénéficier d’un raccordement aux réseaux de distribution collective type eau, gaz, électricité, téléphone.

En cas de sinistre de l’immeuble (incendie, effondrement…), la reconstruction à l’identique n’est garantie que pour la partie régulièrement édifiée.

Dans le cas présent, la reconstruction à l’identique ne concernerait que 100 m2 sur les 160 m2 totaux.

En outre, l’autorisation pour construire le pool house et la piscine risque d’être refusée ou retardée du fait de l’irrégularité des précédentes constructions.

Qu’est-il possible de faire pour sécuriser les acheteurs ?

Demandez toujours conseil à votre notaire.

Il vous invitera à vous renseigner sur les règles d’urbanisme applicables localement.

Vous aurez ainsi une vision plus claire de ce qu’il est possible de construire ou non dans la zone où vous achetez.

Des documents d’urbanisme peuvent également être demandés directement au service de l’urbanisme. Le certificat d’urbanisme opérationnel par exemple indique si votre projet est réalisable et vous renseigne sur l’état des équipements publics (voies et réseaux) existants ou prévus, desservant le terrain. Il fixe également les règles d’urbanisme applicables à l’immeuble en question pendant 18 mois. Il ne constitue cependant pas une autorisation pour des travaux spécifiques.

En fonction des informations recueillies, de vos souhaits et de vos impératifs de délais, il peut de plus être envisageable de s’accorder avec les vendeurs sur une condition suspensive. La condition pourrait porter sur la régularisation des autorisations d’urbanisme nécessaires, l’obtention de la conformité ou encore l’obtention d’un nouveau permis de construire.

La rédaction du compromis ou de la promesse de vente par votre notaire vous permet de bénéficier de conseils détaillés dès l’avant-contrat et de clauses sur-mesure liées aux spécificités de votre opération. Ne vous en privez pas !